Interview du mois avec Catherine Thürig: «Les tâches en commun nous rendent plus soudés»

par Bernard Bovigny

Catherine Thürig préside le Comité d’organisation du Tournoi fédéral à Olten.

beb - Cela fait exactement 100 ans que s’est déroulé le premier Tournoi fédéral à Zürich. A votre avis, pourquoi l’attractivité du plus important événement de l’ancienne Fédération Ouvrière Suisse d’Échecs (FOSE) est-elle demeurée jusqu’à aujourd’hui?

Catherine Thürig: A mes yeux, il y a trois facteurs expliquant cet attachement au Tournoi fédéral. Premièrement, beaucoup de joueuses et joueurs apprécient de disputer un tournoi de sept rondes en quatre jours, et plonger ainsi totalement et intensément dans l’univers des échecs. Deuxièmement, cela tient au calendrier idéal du week-end de l’Ascension. Les enfants ont congé dans toute la Suisse, et beaucoup de travailleuses et travailleurs font le pont le vendredi. Troisièmement, le tournoi est souvent situé dans une ville centrale, ce qui est idéal pour les pendulaires.

Après 2003, 2009, 2011, 2014, 2017 et 2019, le Tournoi fédéral se joue pour la septième fois à Olten. Quels avantages offre cette ville?

Olten est un lieu central, très accessible en voiture et surtout avec les transports publics. Le trajet en train depuis Bâle, Berne, Bienne, Lucerne et Zürich ne dure qu’environ 30 minutes. Et depuis la gare, il faut compter à peine cinq minutes à pied jusqu’aux salles de tournoi.

Y a-t-il des arguments qui parlent contre Olten?

Pas vraiment. Olten est moins attractif que d’autres villes du point de vue touristique, mais cet aspect joue un rôle insignifiant vu le programme intense du Tournoi fédéral.

Tous les Tournois fédéraux à Olten se sont joués à l’Hôtel «Arte», y compris cette année. Quels avantages propose cet hôtel pour une si grande compétition d’échecs?

En première ligne, des conditions de jeu optimales dans deux grandes salles. S’ajoutent les prix attractifs des chambres d’hôtel durant le tournoi, pour celles et ceux qui veulent éviter les trajets, si ce n’est quelques mètres entre la chambre et la salle de jeu. Et entre les rondes - par beau temps sur la terrasse – des repas à prix avantageux sont servis durant toute la journée.

Quatre des six Tournois fédéraux qui ont eu lieu ici jusqu’à présent à Olten ont été organisés par le Club d’échecs. Qu’est ce qui vous attire dans cette initiative?

Les deux premières éditions ont été organisées par le trop tôt disparu Robert Spörri avec son organisation Beochess. Mais il s’est retiré en 2009. Et comme personne ne s’annonçait pour le Tournoi fédéral 2011, nous en avons discuté dans notre club et nous avons décidé de nous lancer nous-même. Jusqu’à présent, le Comité d’organisation est resté pratiquement le même. Les tâches communes nous rendent plus soudés. Nous sommes fiers d’accomplir quelque chose de grand. Et, ce qui n’est pas à négliger, nous donnons la possibilité à nos membres de disputer un tournoi intéressant à Olten.

Et qu’est-ce qui vous motive personnellement dans les défis qui attendent la présidente du CO?

En premier lieu, j’apprécie le contact avec les personnes partageant les mêmes idées, ainsi que l’atmosphère tendue du tournoi. De plus, organiser me procure du plaisir. Et cela constitue certainement un de mes points forts. J’ai souvent l’occasion de le mettre en pratique, avec succès, dans ma carrière professionnelle. Un plus dans cette fonction est que je sais ce qui est important pour les joueuses et joueurs. Lors de ma longue carrière d’échecs comme joueuse et fonctionnaire, j’ai accumulé de l’expérience et j’ai pu vivre sans cesse des moments qui sortent de l’ordinaire.

A quels problèmes avez-vous été confrontée jusqu’à présent dans ce projet?

En fait, aucun. Nous sommes une équipe d’organisation bien rodée et expérimentée. Nous cherchons à introduire chaque fois une nouveauté, mais cet aspect innovateur ne constitue qu’un élément mineur. Le reste est bien connu. La charge est régulière et bien répartie en fonction des capacités individuelles. Chacun sait ce qu’il doit faire. La collaboration avec l’hôtel fonctionne toujours très bien. Nous sommes chaque fois les bienvenus. De plus, nous sommes bien établis sur place et dans la région. En résumé, on peut dire: ce sont des conditions idéales pour chaque projet.

Quels principes et méthodes de gestion de projet appliquez-vous dans l’organisation du tournoi?

L’expérience? Blague à part, nous travaillons depuis des années avec le même concept. Nous y avons formulé trois buts. Premièrement: promouvoir l’image des échecs en général et pour le Club d’Olten. Deuxièmement: une organisation irréprochable. En clair: grande satisfaction de toutes les joueuses et tous les joueurs avec gain d’image de la ville d’Olten et de notre club. Troisièmement, les finances. Le tournoi et ses événements promotionnels doivent tourner financièrement. Le concept est actualisé avant chaque édition et sert de base pour l’équipe. Il constitue le «cahier des charges» de notre projet.

Qu’est-ce qui est absolument à éviter dans l’élaboration d’un événement d’une telle envergure?

Débuter la planification trop tard. Les approbations locales et les conditions cadres doivent être assurées avant la candidature officielle. Puis les postes importants doivent être repourvus et le budget établi assez tôt, idéalement une année à l’avance.

Reste-t-il quelque chose pour les caisses de votre club, ce qui serait normal vu le travail réalisé pour le tournoi?

Par bonheur, c’est le cas la plupart du temps, mais notre but n’est pas d’optimiser nos gains. Notre budget prévoit toujours un poste pour d’autres manifestations car nous voulons profiter du Tournoi fédéral pour faire connaître les échecs dans la région. L’événement traditionnel est la simultanée avec les autorités et les sponsors le mercredi soir par un joueur suisse de la relève. Après Gabriel Gähwiler, Nico Georgiadis, Fabian Bänziger et Noah Fecker – qui sont tous devenus membres de l’équipe nationale – la simultanée sera jouée cette année par le junior bernois Igor Schlegel. Elle est suivie d’un apéro, durant lequel il y a chaque fois des discussions intéressantes. Par exemple, il y a cinq ans nous avons eu la participation du syndic d’Olten Thomas Marbet à la simultanée et à l’apéro. Il sera aussi de la partie cette année et lancera officiellement le Tournoi fédéral jeudi.

Y a-t-il d’autres manifestations en marge du Tournoi fédéral 2024?

Oui, la Fondation Suisse des Échecs pour la Jeunesse organise une soirée des donateurs. Et le mercredi 15 mai à 20h, l’auteur zurichois de romans policiers échiquéens Oliver Thalmann lira des passages de son livre «Mord im Prime Tower» à la librairie Schreiber à Olten. Lui-même participera d’ailleurs au Tournoi fédéral.

Le dernier Tournoi fédéral à Olten, il y a cinq ans, a attiré 350 joueuses et joueurs. Combien en attendez-vous cette année?

Nous sommes confiants d’en accueillir au moins autant. Secrètement, nous espérons dépasser le record de 2019.

Dans votre éditorial de la «Revue Suisse des Échecs» 1/24, vous annoncez la venue d’un participant proéminent, le MI Fabian Bänziger. Sera-t-il le favori?

Nous nous réjouissons énormément que le champion suisse en titre soit présent à Olten. Le titre fédéral manque encore à son impressionnant palmarès. Oui, il sera sans aucun doute parmi les grands favoris. Mais la WFM Mariia Manko, tenante du titre, sera aussi de la partie. Il est de tradition au Club d’échecs d’Olten d’inviter le champion fédéral – et dans ce cas la championne fédérale – et de lui offrir une chambre à l’hôtel pour la durée du tournoi.

Beaucoup de membres du Club d’échecs d’Olten participent chaque fois que le tournoi se déroule dans leur ville. Se peut-il que certains d’entre eux luttent pour les premières places?

Oui, bien sûr. A commencer par notre routinier FM Bruno Kamber, qui a décroché quatre fois le titre fédéral, pour la dernière fois en 2017 à … Olten! Mais aussi le vice-champion U14 Suvirr Malli, qui est particulièrement motivé à obtenir un bon résultat en tant que champion local.

Vous-même jouez aussi aux échecs. Vous avez fait partie durant plusieurs années du cadre des dames et vous avez été championne suisse en 1998. Quelle place prennent les échecs dans votre vie actuellement?

Les échecs jouent toujours un grand rôle dans ma vie. Bien sûr plus autant intense et ambitieux qu’autrefois, lorsque je jouais avec le cadre national des dames. Aujourd’hui, je le prends de façon plus décontractée, mais j’apprécie toujours de me concentrer totalement sur une partie et d’oublier le monde autour de moi. J’apprécie également les nombreux contacts avec les connaissances, anciennes et nouvelles.

Qu’avez-vous appris personnellement pour votre vie grâce au jeu des rois?

La pensée stratégique, la résistance au stress, admettre ses erreurs et, en citant le GM décédé Ivan Nemet: «Il faut rester modeste.»

Interview: Graziano Orsi

Traduction: Bernard Bovigny

 

Catherine Thürig en personne

Domicile: Olten et Saas im Prättigau

Âge: 66

Profession: informaticienne

Hobbys: échecs – what else?

Elo suisses: 1887 (liste 6/2023)

Club: Olten

Joueuse et joueur d’échecs préféré(e)s: Je n’ai pas le culte de la personnalité. J’ai simplement plaisir à découvrir les nombreux chefs-d’œuvre échiquéens joués dans le monde entier.

Un livre: Les ouvrages du GM John Watson dans la série des gambits restent toujours une inspiration.

Lien internet

Tournoi fédéral 2024 à Olten

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