Generation CHess – Ruedi Meier a attrapé le virus des échecs à 86 ans

par Bernard Bovigny

Ruedi Meier: «Dans un club on peut jouer avec des collègues de différents niveaux, leur demander conseil et améliorer son jeu. En plus, on peut nouer des contacts d’amitié.»

beb - Ruedi Meier est resté en contact avec les échecs à plusieurs moments de sa vie très diversifiée. Mais le senior de Winkel dans le canton de Zürich, né en 1935, n’a vraiment accroché qu’il y a deux ans. C’est en fréquentant un cours organisé par le Club d’échecs de Chessflyers qu’il s’y est engagé et a été inscrit à la Fédération suisse des échecs.

«La vie commence à 60 ans», chantait Tino Rossi. Mais pour Ruedi Meier c’est la vie échiquéenne qui a débuté même bien plus tard: à 86 ans. Car c’est à cet âge qu’il s’est enthousiasmé pour le roi des jeux.

Avec Swissair dans le monde entier

Les premiers contacts de Ruedi Meier avec les échecs sont liés à sa profession. Alors qu’il a grandi dans une ferme à Schenkon dans le canton de Lucerne, l’enfant rêvait de partir quelque part loin d’ici pour y travailler et apprendre la langue. Quelle entreprise pourrait mieux correspondre à ce projet que Swissair?

«Dans les années 40, lorsque les petits avions avec moteur à pistons volaient de Kloten à Genève, je les voyais et je les entendais bien car ils survolaient notre maison», se rappelle Ruedi Meier. «Mon père disait que c’était Swissair qui volait là-haut. Et il transportait des gens riches et importants. Après l’école et entre les devoirs, je suis sans cesse sorti et j’ai scruté le ciel pour voir les avions. Ils me fascinaient. Et il y avait toujours davantage d’avions qui survolaient Schenkon. Plus je prenais de l’âge, plus croissait en moi le désir de travailler une fois pour ces gens à qui appartenaient ces avions

Les parties d’échecs avec Seppi au Tea-Room

Son rêve devint réalité en 1957, lorsqu’il fut engagé chez Swissair. «Dès le début, je me suis annoncé pour aller à l’étranger et j’ai été formé en conséquence. Jusqu’à mon premier transfert à New York, je devais encore apprendre l’anglais. J’ai alors fréquenté en compagnie de mon collègue lucernois Seppi Imbach la Hull’s School à Zürich – une institution qui existe encore actuellement -  pour un entraînement intensif.

Après les cours, nous cherchions un Tea-Room pour aller discuter – mais aussi pour autre chose! Seppi m’avait demandé si je jouais aux échecs. ‘Qu’est-ce que c’est exactement?’, je lui demande. Je lui ai avoué que je n’avais pas la moindre idée de ce que représentait ce jeu. ‘Pas de problèmes, Ruedi, tu apprendras vite, m’a-t-il répondu.

Un Tea-Room était connu pour mettre à disposition des clients des jeux d’échecs. Et c’est ainsi que Ruedi et Seppi ont joué deux à quatre parties par mois durant une bonne année, jusqu’à leur première affectation. Puis il s’ensuivit près de 30 ans d’engagements à l’étranger dans différents continents. Durant cette longue période, Ruedi s’est focalisé sur sa carrière professionnelle et sa famille avec trois enfants.

«Les échecs étaient loin de moi. La formation professionnelle était prioritaire. Mais de façon surprenante, comme s’ils avaient su que j’avais joué autrefois aux échecs, à l’occasion de mon départ à Hongkong mes collègues m’ont offert un plateau d’échecs en bois d’acajou et des pièces en ivoire. Ce magnifique cadeau a tout de suite trouvé place sur une étagère de ma bibliothèque.»

Une visite de famille avec des conséquences

Ruedi Meier est resté fidèle à SAirGroup durant 46 ans dans plusieurs positions de cadre. Après sa retraite, il s’engagea comme responsable de projets en Bolivie, au Bangladesh et en Argentine pour swisscontact, une organisation de la Confédération pour l’aide au développement, et pour Caritas. Alors qu’il avait bien plus de 80 ans, il a reçu la visite d’une famille portugaise amie un dimanche après-midi pour partager un café et des gâteaux. «Leur plus jeune enfant, Dinis, âgé de 7 ans, a découvert le jeu d’échecs sur l’étagère et m’a demandé de jouer avec lui.»

Ce désir a totalement surpris Ruedi Meier. «Je voulais juste discuter avec mes amis et boire un café. Mais Dinis était un garçon tellement sympathique et intéressé par les échecs que je ne pouvais pas faire autre chose. Il m’avoua qu’il n’avait encore jamais joué aux échecs mais qu’il en avait entendu parler. Je lui ai expliqué le placement des pièces mais j’ai remarqué ensuite que j’avais inversé la place des fous et des cavaliers … J’avais beaucoup perdu de tout ce que j’avais appris avec Seppi il y a plus de 60 ans.»

Mais l’initiative de Dinis n’est pas restée sans suite. Car ce même soir, Ruedi a parlé avec sa femme Maria Elena, une Argentine avec qui il est marié depuis 45 ans, de ce qu’il pourrait encore faire pour Dinis. «Lui donner des cours, ça n’allait pas. En tous cas pas pour le moment. Mais je pourrais rejoindre un club d’échecs pour progresser, et il serait ensuite possible d’entraîner Dinis.»

Un accueil chaleureux chez d’anciens collègues

Mais quel club? Ruedi Meier se rappelle alors de la «Swissair-News», dans laquelle étaient parfois publiés des résultats de Chessflyers, par exemple lorsque la fameuse équipe sous la direction de Jürg Baumann a joué à Bangkok contre leurs collègues de Thai Airways. «Je me suis donc adressé au président de Chessflyers, car je pensais y trouver des visages connus. Et cela a été le cas. C’étaient des très beaux moments. Entretemps, la famille portugaise est partie, mais à la place de Dinis j’entraîne maintenant mon petit-fils de 8 ans Flurin.

En 2021, Ruedi Meier a fréquenté le cours «Schach für alle» et se rappelle très bien de l’accueil très chaleureux que lui a réservé le président Jürg Baumann, dont le nom chez Swissair lui était familier, lorsqu’il a été accueilli comme nouveau membre au club de Chessflyers à Kloten. «Mon but était d’acquérir les connaissances nécessaires avec beaucoup de pratique. Jürg m’a pris sous son aile et m’a fait progresser pas à pas. Son engagement pour moi a été autant surprenant qu’impressionnant. C’est à ce moment-là que ma passion pour le roi des jeux s’est enflammée et je lui en suis très reconnaissant. Mais également Peter Ridolfi, président du Club d'échecs d'Embach, malheureusement dissous en octobre dernier, a joué avec moi sans relâche des parties accompagnées d’explications. De même Roman Staub (Winkel 60plus) a contribué à ma joie retrouvée de jouer aux échecs, tout comme de nombreux autres anciens collègues de Swissair.»

La famille de Ruedi Meier a aussi contribué à son plaisir à retrouver les échecs. «Mon fils aîné, depuis un pays lointain, m’a fait la surprise de m’offrir à l’avant-dernière fête de Noël un cours à l’Ecole d’échecs de Markus Regez, une excellente institution que je ne peux que recommander.»

«Les progrès me réjouissent»

Ruedi Meier voit plusieurs avantages dans l’appartenance à un club. «On peut jouer avec des collègues de différents niveaux, leur demander conseil et ainsi améliorer sans cesse son jeu. En plus, on peut nouer des contacts d’amitié même à un âge élevé.»

Et il a constamment amélioré son niveau. «J’ai l’impression que ça avance. Je gagne maintenant contre des collègues de club, contre lesquels je perdais il y a une année. Mes camarades confirment que je progresse et ça m’encourage à devenir encore meilleur. Ce ne sont pas des immenses pas, mais ils sont bien là. Ca me convient et ça me procure un énorme plaisir.»

On ne voit pas encore Ruedi Meier dans les tournois individuels ni en Championnat suisse par équipes. «Mais si je parviens à atteindre un niveau suffisant, je participerai volontiers à des compétitions. Car dans le sport, on veut se mesurer aux autres et on sait alors où on se situe. Chaque compétition revêt un charme particulier. Et ce n’est pas différent aux échecs.»

«Les cellules cérébrales ne restent actives que si elles sont utilisées»

Définir des buts pour avancer a toujours fait partie de ses engagements. «Je le fais aussi aux échecs. Actuellement, j’ai l’intention de stabiliser mon niveau de jeu.»

Ruedi Meier est convaincu qu’aux échecs on entraîne des capacités personnelles importantes comme l’attention, la concentration et l’endurance. «Les cellules cérébrales dépérissent lentement avec l’âge. Elles ne restent actives que si elles sont utilisées. C’est pourquoi je vois dans la pratique régulière des échecs des avantages pour la santé.»

Malheureusement un pépin de santé l’a freiné un peu l’an dernier. «J’ai dû diminuer mes activités en général de moitié, y compris aux échecs. Mais je me réjouis pour 2023, car un feu qui s’est enflammé une fois ne s’éteint pas si facilement.»

En savoir un peu plus sur Generation CHess, le projet de la Fédération suisse des échecs pour augmenter le nombre de membres.

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