Interview du mois avec Olaf Nazarenus du Club d’échecs pour jeunes Caissa Nidwalden – Une passion pour les échecs juniors
par Bernard Bovigny

beb - Le Club d’échecs pour jeunes Caissa Nidwalden a totalement pris son envol. Sa série de victoires ne semble plus s’arrêter. Une visite sur place à Hergiswil permet de comprendre l’inexplicable – mais peut-on l’expliquer?
Hergiswil. Un samedi matin. Cette commune du canton de Nidwald se distingue entre autres par la présence de deux gares. Qui veut visiter Le Club d’échecs pour jeunes de Caissa Nidwalden doit descendre à celle d’Hergiswil-Matt, à quelques mètres du local à l’établissement scolaire du même nom. Le match de CSJE entre JSV Caissa Nidwalden et Wollishofen III a débuté. Peu après, le président du club local Olaf Nazarenus complète le formulaire du match avec le résultat clair et net de 4:0.
L’ampleur de cette victoire n’est pas une surprise. L’homme de 61 ans affirme: «Ca fait tout simplement plaisir.» L’équipe a réalisé une saison parfaite et a terminé en tête du groupe Est II de Première ligue régionale du Championnat Suisse Juniors par Équipes. Les jeunes nidwaldien(ne)s ont remporté leurs vingt parties. Olaf Nazarenus est fier d’eux. Il parle volontiers de ce club fondé il y a neuf mois. Avant la discussion, il précise qu’il ne désire pas se trouver au centre de l’article. Il considère qu’il est nécessaire d’entendre des points de vue différents. C’est pourquoi il a fait venir le junior ukrainien Danilo Shevchenko et le couple Martina et Richard Weekes, parents de Jayden, joueur du JSV Caissa Nidwalden.
Commençons par une question ouverte. Que peuvent dire les parents sur le JSV Caissa Nidwalden?
Martina Weekens: Il n’y a actuellement aucune difficulté en vue. Notre fils a choisi cette voie, et il semble visiblement que ça lui plaît. Mais je ne connais pas suffisamment les échecs pour lui apporter un soutien dans ce domaine.
Richard Weekens: Au printemps 2023, je lui ai appris les principales règles et les coups. Maintenant il me bat sans peine. Cela a été extrêmement rapide.
Martina Weekens: Il est entre bonnes mains dans le club et il apprécie de vivre un hobby avec d’autres jeunes. Mais l’école reste la priorité.
Jayden fréquente la 1e année de gymnase à Stans. Même si la priorité reste ses études, la visite régulière des entraînements est jugée importante par les parents, pour que la persévérance de cette activité demeure. Ils apprécient que les entraîneurs du club Sergei Khamraev et Olaf Nazarenus exercent leur engagement avec passion. On en remarque aussi les effets positifs chez l’Ukrainien de 13 ans Danilo Shevchenko. Le club met beaucoup l’accent sur les analyses de parties, et la pratique des parties longues est clairement privilégiée avec la participation à des tournois. Les compétitions de parties rapides constituent plutôt l’exception.
Es-tu content de participer au club, Danilo?
Oui. J’ai appris à jouer aux échecs en Ukraine avec mon oncle Sergei. Je suis maintenant en Suisse et par chance mon oncle continue de m’entraîner. A Caissa Nidwalden, j’apprécie que le montant de la participation aux tournois officiels de la Fédération Suisse des Échecs et de la Fédération de Suisse centrale soit pris en charge. Et la différence de niveau entre les entraîneurs et moi n’est parfois plus très grande.
Le junior de 13 ans a presque atteint les 2000 Elo. Certes, les entraîneurs ont dépassé cette cotation mais pas de beaucoup.
Richard Weekens: Ce club encore jeune a connu une forte croissance. Il a permis à beaucoup de jeunes d’apprendre à jouer et doit encore se consolider. L’engagement dans le club repose sur peu d’épaules.
Que peut en dire Olaf Nazarenus?
C’est vrai que nous sommes jeunes. Neuf garçons et huit filles sont actifs dans le club. Développer les échecs chez les filles est un engagement qui nous tient particulièrement à cœur. C’est confirmé par le fait que nous ayons la parité entre filles et garçons. S’y ajoutent sept adultes, dont trois membres passifs. Il est important de souligner qu’autant l’engagement des parents que la collaboration des jeunes sont des conditions indispensables pour assumer le travail dans un club.
Quelles sont les priorités du club selon le président?
Ce sont les jeunes. Ils se trouvent au centre de la vie du club, avant les intérêts de nos membres adultes. Cela apparaît aussi dans nos statuts. Les jeunes et les adultes doivent être à l’unisson dans notre club.
Et comment cela apparaît-il concrètement?
Il est clair que les jeunes sont intégrés dans le travail du comité et ont leur place dans le processus de décision. Chaque jeune dès 14 ans a un droit de vote actif et passif. En-dessous de 14 ans, ce sont les parents qui disposent d’une voix. Le comité est composé de sept membres, dont trois jeunes avec voix délibérative. De mon point de vue, c’est seulement de cette façon qu’une participation fructueuse peut être assurée et ne pas réfléchir uniquement entre adultes est très profitable.
Que voulez-vous atteindre avec les jeunes, respectivement pouvez-vous cerner les moyens adoptés et les buts poursuivis à long terme?
Nous aspirons à une croissance saine du nombre de membres. En CSJE, nous voulons monter en Ligue nationale A. Nous avons maintenant les moyens de monter en LNB et notre équipe est composée exclusivement de juniors U14, qui ont tous un incroyable potentiel de progression. C’est notre but d’assurer leur développement. Un autre but est de faire se profiler nos jeunes parmi les adultes. En 3e ligue régionale du Championnat Suisse de Groupes, nous avons été invaincu et vainqueurs de groupe lors de la dernière saison en ne perdant que deux parties individuelles. Nous disputerons donc le match de promotion. En CSG et CSE, le but à moyen terme est la 1e ligue, dans quatre ou cinq ans.
A quoi attribuez-vous le succès de ces derniers mois?
En plus du travail structuré dans nos entraînements avec des analyses de parties, nous disposons d’une excellente infrastructure. Je n’aime pas beaucoup l’enseignement frontal. Il faut surtout jouer. L’analyse des parties est ensuite obligatoire. Les jeunes apprennent directement à partir de leurs erreurs. Et il faut bien sûr relever le positif dans chaque partie et le retenir, pour ainsi dire sur le terrain. Jouer beaucoup procure plus de plaisir. Le local de jeu et d’entraînement est mis gratuitement à notre disposition par la commune. A Emmetten, c’est une location privée. Le «local culturel» est mis à notre disposition contre une modeste contribution pour les frais annexes. Chaque semaine, nous proposons trois entraînements de différents niveaux.
Olaf Nazarenus est visiblement un joueur d’échecs passionné et un président de club engagé. Et il est le seul à se rendre compte à quel point son engagement a pris de l’ampleur. Ses affirmations comme «Nous disons ce que nous faisons. Et nous faisons ce que nous disons» sont dignes de foi.
Y a-t-il encore d’autres explications à ce succès?
Pour augmenter le nombre de membres, un site internet bien ordonné est une condition indispensable. C’est la carte d’identité du club.
Et qu’en est-il des finances de votre jeune club?
Nous ne demandons à nos jeunes membres que 50 francs de cotisation annuelle. Et seulement 40 s’il y a des frères et soeurs. Pour nous, le travail auprès des juniors reste un projet social, qui doit permettre à tous les jeunes de jouer sans restriction aux échecs comme hobby, même si les parents disposent de peu de moyens. Grâce à nos tournois avec contribution de sponsors, nous pouvons renflouer notre caisse. De plus, la Commune verse un soutien de 350 francs pour chaque participant(e) issu(e) d’Hergiswil.
D’où proviennent vos jeunes?
Le territoire de provenance comprend l’ensemble du canton de Nidwald et les cantons voisins.
Quel regard portez-vous sur la vie échiquéenne en Suisse centrale?
Les clubs sont là. Les fondations de clubs sont rares actuellement. Leur nombre a même tendance à diminuer. Nous constituons une exception.
Jetons brièvement un regard vers l’avenir. Qu’est-ce que vous voyez?
Une aventure inoubliable va nous arriver. Nous allons nous rendre avec onze joueuses et joueurs en Allemagne pour participer au plus grand tournoi d’échecs d’Europe, le Grenke Open à Karlsruhe. C’est une expérience qui va renforcer les liens entre les jeunes et notre club, ainsi qu’avec les échecs en général. De plus, nous souhaitons naturellement connaître le succès lors de nos matchs de promotion.
Il ne fait aucun doute que ce sera une belle expérience pour ce jeune club. Le chemin de retour vers Zürich a accroché le regard du scribouillard. Les Jackson Five grimés et au look disco papotent dans le train. Le Carnaval de Lucerne est imminent. Une excellente ambiance – d’un autre genre – règne aussi au club d’échecs pour jeunes de Caissa Nidwalden. Les cacophonies ne semblent pas en vue actuellement. Olaf Nazarenus ne cherche pas à évoquer les dissonances avec les clubs d’échecs d’autrefois, mais veut porter l’attention sur le présent. La situation est marquée par un départ pleinement réussi et une très longue série de victoires.
Interview: Graziano Orsi
Traduction: Brenard Bovigny
Olaf Nazarenus en personne
Domicile: Hergiswil.
Date de naissance: 21 septembre 1963.
Profession: Administrateur à la FSK Consulting AG.
Elo: 2016.
Joueur d’échecs préféré: Garry Kasparov. «De mon point de vue, il a été un champion du monde d’échecs totalement innovant.»