Yannick Pelletier après sa sensationnelle victoire contre Hikaru Nakamura: «J’ai pu enfin mettre en pratique une ancienne idée d’ouverture au meilleur moment»

par Bernard Bovigny

Yannick Pelletier: «Il est clair que la seule préparation de l’ouverture ne suffit pas. J’ai dû ensuite trouver les bons coups.»

beb - En s’imposant contre le numéro 2 de la Liste ELO mondiale, le GM Hikaru Nakamura (2816), coté 259 points ELO de plus que lui, le GM Yannick Pelletier, 39 ans, qui joue pour le SG Zurich, a réalisé un exploit à la Coupe d’Europe des clubs à Skopje en Macédoine.

Comme l’explique le quintuple champion suisse dans cette interview, contre le vainqueur du Tournoi «Millionaire Monday» à Las Vegas de la semaine dernière, il a enfin pu utiliser une préparation d’ouverture qu’il a gardée quelque part en mémoire depuis plusieurs années.

Félicitations pour votre exploit contre Hikaru Nakamura! Que faut-il pour que le jour J, le numéro 398 de la Liste mondiale puisse gagner contre le numéro 2?

Yannick Pelletier: Il est d’abord important que l’ouverture réussisse parfaitement. Et cela a fonctionné du fait qu’avec les blancs, j’ai pu enfin mettre en pratique au meilleur moment une ancienne idée d’ouverture, que j’avais étudiée durant de nombreuses heures et que j’ai gardée en mémoire, mais que mes adversaires n’ont jamais donné l’occasion d’utiliser jusqu’à maintenant. Alors qu’un type de position qui me convient est apparu, Nakamura n’a pas si bien réagi avec les noirs. Mais il est clair que la seule préparation de l’ouverture ne suffit pas. J’ai dû ensuite trouver les bons coups. Et le fait que Nakamura n’ait pas trouvé de contre-jeu m‘a certainement beaucoup aidé.

Dans la plupart des compétitions sportives, des manifestations de joie apparaissent lorsqu’un outsider s’impose face à un favori. Comment était l’ambiance de votre côté au moment où Nakamura a abandonné?

On ne peut naturellement pas crier victoire dans la salle de tournoi, sinon ça dérangerait les autres joueurs. Mais il ne fait aucun doute que cela a été un des plus beaux moments de ma carrière – également au niveau des composantes créatives et de l’énergie que j’ai déployées dans cette partie. C’est pourquoi j’ai ressenti une grande satisfaction. Ce qui m’a réjoui en particulier, c’est qu’avec la présence de William Wirth et Mathis Cabiallavetta dans la salle de tournoi, deux promoteurs des échecs de longue date ont été témoins de ma belle victoire.

Avez-vous eu l’occasion de fêter cette victoire, le soir, avec vos collègues de l’équipe de Zurich?

Non, pas vraiment. Nous sommes allés manger normalement. Mes coéquipiers se sont bien entendu réjouis de ma victoire. Mais la joie n’était pas totale. Car nous avons été déçus d’avoir perdu ce match 2:4, tout en sachant que contre cette très forte équipe qui compte quatre joueurs avec plus de 2750 ELO, nos ambitions étaient limitées.

Combien de mains avez-vous dû serrer après votre victoire?

Le soir même, pas énormément car de nombreux joueurs étaient encore devant leur échiquier. Mais le jour suivant, beaucoup de joueurs d’autres équipes sont venus me féliciter.

Comment Nakamura a-t-il réagi après sa défaite?

Avec une correction exemplaire, et avec la poignée de mains qui est de rigueur. Durant la partie également, Nakamura n’a eu d’aucune façon un comportement antisportif. J’ai vraiment été positivement surpris.

Combien de temps avez-vous consacré à la préparation de la partie?

Comme je l’ai dit, la véritable préparation à l’ouverture que nous avons jouée remonte à plusieurs années. C’est pourquoi je n’ai pas réétudié cette idée durant les quelque trois heures de préparation qui ont suivi mon petit-déjeuner. Il est de toute façon difficile de se préparer contre Nakamura, car on ne sait jamais ce qu’il va jouer.

A quel moment de la partie avez-vous réalisé que la victoire devenait possible?

Je n’ai perçu aucune indication dans l‘attitude corporelle de Nakamura selon laquelle il se serait trouvé dans une situation critique. Mais à partir du 26e coup, il était clair pour moi que j’étais nettement mieux.

Et à quel moment étiez-vous sûr que la partie n’allait plus vous échapper?

Peu avant l’abandon de Nakamura. Finalement, on a un grand respect face à un adversaire si connu, et il arrive que l’on voie des fantômes en lieu en place de possibilités réelles de se sauver. C’est pourquoi j’ai toujours vérifié deux fois tous mes coups. Car une de mes plus grandes faiblesses est de gâcher des positions gagnantes.

 

La partie gagnante de Yannick Pelletier se trouve sur cette page:

https://chess24.com/en/watch/live-tournaments/european-club-cup-2015/2/4/3

Voir sur Youtube les commentaires en anglais du GM Jan Gustafsson sur l’exploit de Yannick Pelletier: https://www.youtube.com/watch?v=0D64leaNGJk

Tous les détails et les parties en direct de la Coupe d’Europe des clubs se trouvent sur:

http://www.europeanchessclubcup2015.com

http://www.chess-results.com/tnr188529.aspx?lan=20

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