Interview du mois avec Annette Waaijenberg: «Chez nous la proportion de filles et de femmes est de 35%»

par Bernard Bovigny

Annette Waaijenberg ist Präsidentin von ChessMates, Vize-Präsidentin von ChessSports Association (CSA) und professionelle Schach-Trainerin.

beb - Les échecs jouent un rôle significatif dans la vie de Annette Waaijenberg. Elle exerce entre autres la fonction de présidente du Club ChessMates. De plus elle s’engage dans la ChessSports Association. Comment parvient-elle à assurer tous ces engagements?

Vous présidez l’association ChessMates. Quel développement avez-vous connu ces dernières années au niveau du nombre de membres?

La tendance est réjouissante. Pour l’année 2023, nous avons déclaré officiellement 90 membres pour le canton de Zoug. Entretemps, nous donnons chaque semaine des cours à plus de 100 enfants et adultes, dont près de 90 par moi. En 2019, nous comptions 55 membres. Cela représente donc une sacrée augmentation en quatre ans. J’aimerais aussi souligner que la proportion de filles et de femmes est de plus de 35%.

Comment expliquez-vous cette augmentation?

Franchement, deux ans après la pandémie il m’est difficile de l’expliquer. La série Netflix «The Queen’s Gambit» remonte déjà à plusieurs années. Je demande chaque fois aux concernés comment ils sont venus jusqu’à nous. Ils mentionnent surtout notre présence sur internet, car nous sommes faciles à trouver par Google, ainsi que la diffusion de bouche à oreille. Nous sommes explicitement recommandés par les parents.

A quels problèmes votre club est-il confronté actuellement?

Actuellement, en tant qu’entraîneure professionnelle, je donne des cours d’échecs à près de 80 enfants et huit adultes. Ils viennent s’entraîner après l’école ou le week-end. Les adultes s’entraînent souvent l’avant-midi ou sur la pause de midi. Vous pouvez facilement vous imaginer qu’il y a des heures de pointe, du fait que les cours ne peuvent être proposés qu’après l’école. Ou exprimé autrement: le créneau horaire pour les cours des enfants est limité, car après 18h, ce n’est plus vraiment possible pour les plus jeunes. Pour résoudre le problème des heures de pointe, notre club pourrait mettre en place des entraînements supplémentaires. Mais ça n’est pas facile, car en plus des compétences didactiques il faut avoir du temps durant la journée. Et la plupart ont déjà un travail qui les occupe souvent jusqu’au soir.

Vous présidez depuis six ans le Club de ChessMates. Allez-vous poursuivre cette activité?

Comme je l’a dit, en plus de ma fonction de présidente, j’exerce le métier d’entraîneure d’échecs. Cette activité constitue ma source de revenus. En plus des raisons financières, j’ai du plaisir à accompagner et à faire progresser en moyenne durant deux à trois ans des écoliers et écolières sur leur chemin d’apprentissage des échecs. Certains d’entre eux avaient cinq ou six ans lorsqu’ils ont reçu leur première leçon, et je leur ai tout transmis depuis les fondements du jeu. Aujourd’hui ils ont entre neuf et douze ans et ils concourent pour le titre de champion suisse. C’est très beau et ça me motive énormément.

Avez-vous d’autres motivations?

Je souhaite montrer avec notre association et nos méthodes d’entraînement qu’il est incroyablement important de transmettre des valeurs aux enfants et d’aborder avec eux ces questions: Comment me comporter avec respect lorsque j’ai gagné? Comment est-ce que je réagis à une défaite? Qu’est-ce que je dois entraîner et comment, si je veux m’améliorer? Est-ce que les pièges d’ouverture sont une bonne solution? Est-ce que je suis prêt à jouer des tournois de parties longues, à rester assis et à me concentrer deux à trois heures? A cela s’ajoute le fait que beaucoup de parents qui ne savent pas jouer, ou jouent très mal, ont parfois de hautes ambitions ou de fausses représentations au sujet de la carrière échiquéenne de leur enfant. En tant qu’entraîneurs, nous avons le devoir de trouver un juste équilibre: encourager les enfants, mais sans exagérer. Montrer clairement aux parents ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Je pense que ChessMates est sur le bon chemin à ce sujet.

Cela constitue-t-il le fondement de ChessMates?

Il est clair que nous cherchons à développer les forces individuelles de nos écoliers, écolières et adultes. Je connais chaque enfant personnellement et une bonne partie de leurs parents. Nous apportons des connaissances de base solides aux enfants et nous prenons le temps. Les pièges d’ouverture sont interdits chez nous. «Tu es assez fort aux échecs pour gagner sans avoir recours à ces pièges», entendent-ils de ma part chaque fois qu’ils essaient quelque chose. Nous accordons beaucoup de valeur à un entraînement varié mais tranquille.

Qu’est-ce cela signifie concrètement?

On ne fait pas les fous durant la leçon. Et l’esprit d’équipe est extrêmement important pour moi. On peut le constater durant les tournois de qualification. Les enfants se souhaitent mutuellement beaucoup de succès, tremblent les uns pour les autres, et s’encouragent entre eux lorsque quelqu’un devient triste. J’en suis personnellement très fière.

Vous possédez actuellement la licence d’entraîneur C à la Fédération suisse des échecs. Allez-vous en rester là?

Vous abordez un sujet très délicat. En Suisse, il faut remplir certains critères pour obtenir la licence B. Or, je les remplis tous à l’exception des points Elo. Mon plus haut niveau et de 1609, alors que l’exigence se trouve à 1800. Il est aussi souligné que, depuis que je rejoue aux échecs – j’avais fait de nombreuses années de pause – je n’ai pas participé à beaucoup de tournois ni ne me suis entraînée personnellement. Je dis ouvertement que cela me fait de la peine de ne pas recevoir la licence B d’entraîneure, surtout que dans l’explication, il est dit, je cite : «… on peut difficilement contester le fait qu’une joueuse à 1600 Elo est très limitée pour faire progresser un joueur mieux coté …» Je suis totalement persuadé que chaque entraîneur expérimenté peut enseigner à des enfants mieux cotés. Et cela, avec une préparation adaptée à partir d’ouvrages spécifiques ou des méthodes d’entraînement ou des programmes modernes.

Alors quels sont vos arguments pour obtenir la licence B d’entraîneure?

Je suis entraîneure d’échecs professionnelle depuis six ans. Combien d’autres femmes exercent-elles cette profession en Suisse ou dans les pays voisins? ChessMates emmène plus de vingt enfants de toutes les catégories d’âge dans les tournois de qualification, deux de mes élèves ont remporté un de ces tournois et d’autres encore se sont qualifiés pour la finale. Nos cours semblent donc porter des fruits, et je suis habituée à enseigner à des grands ou petits groupes avec des moyens adaptés, en présentiel ou en ligne. Je dirige des coachings dans les écoles zougoises et je suis aussi engagée comme entraîneure chez Pro Senectute, car en plus de l’enseignement privé avec des adultes je donne volontiers des cours à des seniors. Il est clair qu’il y a aussi des critères à remplir pour les cours d’entraîneurs internationaux de la FIDE. Mais une cotation Elo trop basse peut y être compensée par l’expérience d’entraîneure. La réussite des élèves ou le nombre d’heures d’enseignement sont reconnus et pris en compte pour le titre d’entraîneure.

Y a-t-il encore d’autres atouts?

Je suis présidente de club, entraîneure, organisatrice de tournois, arbitre et depuis 2018 je n’ai pas manqué un seul tournoi de qualification, ni une seule finale chez les juniors. C’est pourquoi je connais très probablement plus de juniors que la plupart des autres entraîneurs ou responsables. J’ai fréquenté diverses formations continues de la Fédération suisse des échecs, en 2018 j’ai été officiellement responsable des jeunes filles au Championnat du monde juniors et j’ai accompagné deux fois ma fille au Championnat européen juniors. Je connais donc le sport échecs sous de nombreuses facettes et je peux affirmer qu’il n’y a pas beaucoup d’entraîneurs qui donnent chaque semaine des cours à près de 90 élèves et peuvent se prévaloir d’une telle expérience.

Une dernière question sur cette problématique. Voulez consacrer toutes votre énergie dans votre club et dans les entraînements ou alors tenter d’augmenter vos Elo en vue d’obtenir la licence B?

Par chance je reçois beaucoup de reconnaissance de la part de mes élèves et de leurs parents. En 2017 il n’a pas été facile du tout de fonder ChessMates et de tenir ferme en tant que femme. Je suis mère de deux filles et souvent j’ai dû travailler lorsqu’elles revenaient de l’école. Et les week-ends je suis constamment en train d’enseigner ou d’accompagner les élèves à des tournois. Il est clair que j’aimerais m’entraîner personnellement, me consacrer par exemple à l’étude des finales, étudier et exercer intensivement mes ouvertures. Mais mes élèves ne doivent pas apprendre «mes» ouvertures. Je consacre donc beaucoup de temps à étudier des ouvertures qui ne sont pas les miennes, afin de permettre à mes élèves de constituer leur propre répertoire. Je n’ai tout simplement pas assez de temps pour moi et mes propres besoins aux échecs. J’aurai une fois le temps, mais pas aujourd’hui et ni demain.

Qu’attendez-vous des responsables de la Fédération suisse des échecs?

Ce serait formidable si les responsables s’interrogeaient à nouveau et se demandaient si je n’ai pas accompli au moins autant de prestations que des titulaires actuels de la licence B d’entraîneur.

Revenons à ChessMates. Comme voyez-vous l’avenir de votre association?

Nous voulons conserver le haut niveau de la formation, mettre en place des programmes de promotion pour les garçons, les filles et les adultes, et bien entendu maintenir le nombre de membres à 90 ou l’augmenter légèrement.

Vous êtes aussi engagée dans la ChessSports Association (CSA). De quoi s’occupe cette organisation?

C’est une organisation internationale qui a son siège à Vienne. Elle a pour but de mettre en lien les échecs avec d’autres disciplines sportives. Par exemple, à la fin juin elle a lancé une manifestation de course d’orientation et échecs. En août, elle invitera à un Master international d’échecs-tennis à Vienne et une semaine plus tard aura lieu un événement très particulier sous la forme d’une «échecs-plongée». Notre académie en ligne est aussi très appréciée. Des éminents intevenants comme le GM Rustam Kasimdchanov ou la WGM Regina Theissl-Pokorna abordent différents thèmes passionnants. Il existe un film sur le Masters d’échecs-tennis (lien plus bas) On y apprend certaines choses sur la CSA.

Quel rôle actif jouez-vous actuellement dans la CSA?

Je suis vice-présidente et responsable du secteur Suisse.

Et si vous vous projetez vers l’avenir, quel pourrait être votre rôle dans la ChessSports Association?

Mon but est d’organiser un tournoi d’échecs-tennis dans la région de Zoug. Nous attendons avec impatience l’accord du club de tennis. Une combinaison entre les échecs et le jass pourrait aussi être proposée en Suisse. Dès l’automne, je dirigerai à nouveau le cours en ligne très apprécié pour les femmes débutantes et de niveau modeste, car la CSA s’engage aussi de façon spéciale pour les échecs auprès des dames et des jeunes filles.

ChessMates et la ChessSports Association sont deux piliers de votre vie dans le domaine des échecs. Y a-t-il encore d’autres activités d’échecs dans votre vie privée?

Nous sommes une petite famille d’échecs. Mes deux filles qui ont douze et neuf ans jouent avec passion et mon partenaire Markus Regez exerce aussi la profession d’entraîneur d’échecs. Il est entraîneur FIDE et a sa propre école d’échecs à Küsnacht/ Zürich.

Comment parvenez-vous à assurer tous ces engagements?

Ma profession de base est organisatrice d’événements. Organiser et planifier font partie de moi. Sans ces capacités j’arriverais rapidement à mes limites, vu que je suis aussi mère de deux jeunes enfants. Cela reste néanmoins constamment un défi pour mener tout cela à bien.

Défi? Ce terme me semble sans cesse rabâché. Pourriez-vous le reformuler?

La plupart du temps, je parviens à jongler avec tous ces engagements. J’aime enseigner et jouer aux échecs. Mais je souhaite parfois que ma vie ne se limite pas toujours à 64 cases…

Interview: Graziano Orsi

 

Annette Waaijenberg en personne

Domicile: Oberägeri (ZG).

Âge: 43 ans.

Profession: entraîneure d’échecs.

Hobbys: échecs et tennis.

Elo FSE: 1573.

Clubs: ChessMates, SK Baar, SK Markus Regez.

Joueurs/euses d’échecs préféré(e)s: Beth Harmon, Judith Polgar et Paul Morphy. – Remarque: Beth Harmon est la joueuse d’échecs dans la série Netflix «The Queen’s Gambit». Cette réponse a donc été accompagnée d’un sourire.

Un livre d’échecs: Le projet U10 du GM Thomas Luther.

Liens

ChessMates

Reportage sur ChessMates et Annette Waaijenberg dans la « Revue Suisse des Echecs » 5/18

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